‘LES SCIERIES CONDAMNEES A S’INDUSTRIALISER POUR SURVIVRE ‘
Titre d’un article rédigé par Mathieu QUIRET journaliste pour le journal économique LES ECHOS rubrique INDUSTRIE du Lundi 21 03 2014. Copie de cette réponse lui a été mailée.
Première remarque : Lorsque l’on a été en relation professionnelle avec les scieries Françaises en activité comme je l’ai été au niveau national de 1967 à 2010, dire que la plupart ‘survivent ‘ il faudrait s’entendre sur la relativité de ce terme comme on devrait le faire pour la plupart des professions similaires!
On n’a jamais tant vu de retraités aussi dépensiers avec d’aussi petites retraites !
Il est en effet difficile sinon impossible d’intégrer la valeur de leurs fréquentes et parfois très importantes propriétés forestières ou autres biens constituées, la plupart du temps, à la suite d’achat sol et bois ou autres opérations de bonne économie tout au long de leur vie professionnelle.
Ce patrimoine s’est constitué parfois sur deux à trois générations et se retrouve, évidemment, rarement dans les actifs de leur entreprise …et arrondi la maigre retraite qu’ils n'ont pas toujours constituée en faisant confiance au principe de la répartition nationale ...
Mon avis sur l’évolution des scieries Françaises est sensiblement différent des études de mon ami Maurice CHALAYER qui vous a semble-t-il fortement inspiré. Ardent défenseur de la scierie artisanale pratiquée en son temps par nos parents il lui est plus difficile que moi de ne pas pratiquer la langue de …bois !
Est-ce pour ménager la mémoire de certaines pratiques d’antan pouvant expliquer, en partie, le sous investissement chronique de la plupart des ‘petits entrepreneurs’ et l’état actuel de certaines filières ?
Dans un autre domaine la déconfiture de la filière de la bonneterie en a été un triste exemple dans les dernières décennies ! La direction s’offrait des voitures de luxe et des robinets en or et les employées venaient au boulot …à vélo!
Plusieurs générations d’ouvriers ont ainsi pavoisées dans les rues en troquant leurs vélos contre des banderoles sur lesquelles ils essayaient de défendre leur dignité financière plutôt que celle d’avoir un travail!
Ce fut l’aiguillon principal pour moderniser certains ateliers et de travailleurs/ manifestants en faire des chômeurs/ assistés.
Je pense que nos voisins Allemands avaient mieux compris l’importance de dissocier biens personnels et actifs de leurs entreprises …et l’importance d’investir dans la formation ce qui pourrait expliquer la qualité et le nombre actuel de leurs PME et PMI.
L’obligation de restructuration de la filière scierie date – à mon sens- de l’excès de création d’entreprises familiales et artisanales à vocation locales, ayant saisi l’opportunité de l’énorme marché de reconstruction, de suite après la guerre de 39/45, dans l’espoir de conserver des emplois semi agricoles, au début de la modernisation de notre agriculture.
Souvent sans formation particulière la sélection ‘naturelle’ d’entrepreneurs ‘n’ayant pas réellement contracté le virus bois’ s’est faite dès les années 1955/1960 d’abord sous forme de dépendance aux travaux de sous traitance pour le compte d’entreprises plus structurées dirigées par des chefs d’entreprises disposant de certaines ‘dispositions commerciales’.
L’absence de marge en découlant a fait péricliter leurs très petites affaires de sciage ou/ et les a incités à s’orienter vers l’exploitation forestière.
Beaucoup sont redevenus des employés du bois ou d’autres industries lorsque des engins de plus en plus puissants ont remplacé des bœufs encore utilisés pour débarder les bois (vu de mes yeux en 1967) par quelques scieries!
Les plus enviés sont ceux qui ont su se faire embaucher par certains services ou la principale occupation n’était pas toujours de travailler comme on l’entendait à l’époque ! On croyait qu’ils étaient en vacance …
A cette époque régnait une forme d’affairisme ou tout semblait possible. Elle a permis l’éclosion ou le développement de certaines belles dynasties du bois…lesquelles, entre 1980 et 2000 ont souvent fait parties de la seconde vague d’arrêt d’entreprises une fois le patriarche disparu et ses méthodes de management particulières!
De nombreux successeurs potentiels ont préférés, à cette époque, la tranquillité et les horaires codifiés d’une administration fièrement cravatée au grand dam de leurs pères plus débrayés! Les femmes ont aimé cet 'embourgeoisement prolétaire'…Il a fallu commencer à tenir compte de leur avis : Beaucoup de fils de petits patrons ont adopté les 35 heures et les congés payés plutôt que les 60 heures harassantes de leurs pères!
La vague en cours touche ou touchera ce que j’appelle ‘les derniers forçats du bois’ et les inévitables faillis : celle des arrêts d’entreprises s’étant littéralement délitées pour cause de dépassement de la limite d’âge et d’absence de repreneur et de sous estimation de diverses difficultés.
Certains d’entre eux ont tranquillement consommés les acquis de la génération précédente en se lamentant sur les méfaits de l’industrialisation, la mondialisation , l’Europe …et tutti quanti en se mettant en valeur dans les syndicats patronaux!
Ne rien faire est parfois suffisamment fatiguant et le relationnel ouvre certains horizons…
Dès 1980 ces données plus ou moins diffuses ont accéléré le phénomène pour différentes raisons désormais bien identifiées : Compétences insuffisantes en management tant techniques que financières de nombreux managers par intérim/ Délabrement de crédibilité financière/ Secteur forestier inadapté autour du site d’origine/ Rapide évolution des marchés déstabilisant les habitudes acquises …Etc.
Il n’y a donc pas lieu de s’étonner de la fonte inexorable du nombre d’entreprises de scieries jusqu’à un seuil de résistance qui se situera, à mon avis, autour de 300 scieries pour un volume de sciage qui se maintiendra probablement entre 8 et 10 millions de m3 par des unités ou la différence de productivité a plus que triplée et ou la qualité globale est sans commune mesure à tous les niveaux.
Je l’annonce depuis longtemps (Voir article paru dans Le BOIS NATIONAL du 21/11/1992 : Sinistrose ou creuser le bon sillon ?)
La réduction des sections obtenue par collage/aboutage combinée à une étude plus fine de la résistance des bois / l’offre de bois plus élaboré en association avec d’autres matériaux/ l’évolution des modes et techniques par exemple dans l’ameublement/ la marginalisation du bois massif (meubles et parquets) etc…concourent à la stabilisation des volumes traités.
La réduction des gaspillages au même titre que pour toutes les autres ressources ayant permis de développer une société dite de consommation en quelques décennies accentue heureusement cette tendance…
Les producteurs recherchant un positionnement qualité/prix plus adapté à des marchés qui se mondialisent de gré ou de force et les consommateurs devenant des consom’acteurs accros à Internet chacun est plus ou moins contraints de réfléchir à l’avenir tout en devenant acheteur individualiste, passant outre aux considérations économiques nationales.
Autres points : La scierie devient l’accessoire du développement imposé de la seconde transformation. En corollaire ses produits se standardisent et se vendent en masse en rayons bricolage.. Ce fut le signe incontestable de la fin de l’artisanat de production. Leur part de marché s’est marginalisée sans grand espoir de reprise pour de multiples raisons sociales et techniques!
Nous sommes désormais dans l’artisanat de la pose, crescendo depuis les années 1980, et du temps libre pour des bricoleurs’ qui se prennent pour des pros! Ils s’approvisionnent dans les mêmes magasins que les professionnels en essayant de ne pas se faire de pub l’un et l’autre!
La vente de produits PROS ‘s’industrialise’ avec l’incroyable développement d’Internet et la carotte (ou l'illusion) ‘de l’écrasement des marges’ donc des prix !
C’est du moins l’espoir de ceux qui voudraient voir perdurer le mythe de l’arbre des avantages acquis qui montera sans fin jusqu’au ciel et le sentiment s’est installé dans le public de pouvoir devenir lui-même PROBRICOLEUR par la magie d’un pouvoir d’achat qui ne suit plus dès le 15/20 du mois!
J’ai moi-même reçu un jeune prothésiste dentaire d’une trentaine d’année qui voulait me signer un gros chèque après la tempête de 1999 pour devenir …scieur mobile convaincu que ce métier était facile et plus rémunérateur ! Je lui ai demandé s’il ne préférait pas être boulanger ou médecin grâce à son chéquier…Il est parti. Nous n’avons pas eu de SAV à assurer…
L’artisanat ‘apprécié pour sa souplesse’ a perdu de sa valeur. C’est un autre mythe en extinction !
L’entreprise Franco Européenne Poujoulat avec ses conduits de cheminées/ L’alsacien Schmidt dirigée par une femme avec ses 1000 cuisines/jour sur mesure / Les constructeurs de voitures/ de bateaux/ d’avions se targuent tous de pouvoir faire du ‘sur mesure’ ou du ‘personnalisé’, ultra normé, de qualité mais à plus bas prix possible, sous délais quasi immédiats !
L’artisanat devient à nouveau le serviteur de gens très fortunés, sur des marchés de niches comparables à ceux du temps de Louis XIV.
Cet artisanat d’Art conserve un marché …en se mondialisant …et en s’industrialisant – pardon : en ‘rationalisant ses fabrications’ mais surtout en sachant bien se vendre comme HERMES / VUITON et leurs concurrents dirigés par une nouvelle race d’entrepreneurs : les ‘artisans/ industriels’ férus de marketing et d’ingénierie financière
Ou sont ou seront les futurs artisans de base ? Une réponse parmi celles qui ne satisfont personne : Au chômage assisté par l’autorisation de pratiquer un travail au noir …contrôlé.
Il leur suffira de savoir et aimer bricoler multi activités ! Les artisans dépanneurs en tous genres…Ils ont déjà envahi le créneau…On les appelles les multi entrepreneurs !
Innover ? Reprendre des marchés créés par les Allemands / les Autrichiens ou les Nordiques n’est, sans plus, que tenter de COPIER ce qu’ils ont suent imaginer tout en développant chez eux les machines outils innovantes correspondantes …Nous leur achetons désormais.
Elles ont détruit notre propre filière de la machine-outil trop occupé que nous étions à vouloir défendre nos emplois dans des usines et ateliers obsolètes avec des mentalités de fabricants de sabots et de créateurs de musés ! Quel village ne rêve pas d’avoir le sien en 2014 grâce à des subventions qui coulent à flots ...et coulent notre pays?
La France a trop voulu défendre l’innovation sociale pour démontrer qu’elle pouvait rester LE modèle du monde de 1789…et souffre de l’orgueil de toujours vouloir faire mieux que ‘les autres’ en reloquant des concepts industriels qui se vendent ailleurs depuis parfois plusieurs années !
Séquelles des acquis du colonisateur ? On envoie des cars de pros dans ces pays qui nous ont doublés pour étudier si on ne peut pas faire mieux qu’eux ?! Au retour nombreux sont ceux qui décrètent doctement que la France a ses spécificités !
Affréter un bateau ne coûte parait il pas plus cher sinon moins ‘à l’objet livré’ que de le produire au fond de nos bois …effet de mode et design non pris en compte! Le problème n’est plus de produire : il est de VENDRE !
La fuite des grumes n’est qu’un épiphénomène monté en épingle par une filière qui refuse l’évidence de la modernisation et de la mondialisation depuis les années 1980 et voit ainsi s’échapper l’une de leurs possibilités de plus value facile en bénéficiant d’un approvisionnement captif. Qui ose le dire ?
En ne dénonçant pas cette dérive intellectuelle on ne défend pas les intérêts de nos enfants….
Pendant que la masse discours certaines entreprises Françaises ont fait face et sont compétitives. Ouf ! Trop peu nombreuses ? Dans un contexte d’incroyable laxisme à tous les niveaux elles ont suent résister.
Tout n’est donc pas perdu si le bon sens nous revient ! Une banque l’aurait parait il redécouvert après l’avoir exploité ‘près de chez nous’dans les années …80 ! Il est grand temps de réagir !
Il serait grand temps de savoir ce que l’on veut : Acheter à bas prix et vendre nos productions à prix fort n’est pas compatible.
Les exportations de grumes ont fait monter le prix des grumes ce qui réjouit les propriétaires de la ressource (mais ils se gardent bien de le dire !) tout en enrichissant à un niveau éhonté les importateurs de Chinoiseries diverses et avariées nous revenant …ce qui enchante leurs clients ravis d’acheter à bas prix et convaincus que la fête sera sans fin…sans trop remarquer qu’ils remplissent un peu vite leurs poubelles !
C’EST QUAND LA FIN DE LA PARTIE ET LE RETOUR DU BONS SENS PRES DE CHEZ VOUS ?
Luc C. dirigeant patronal de longue date d’une fédération industrielle de trop peu de membres est ravi : il a obtenu une énième aide de l’état …sur le dos de ses clients contribuables !
Super système organisé depuis des décennies par un état de plus en plus omniprésent, désormais gestionnaire de toutes choses, super patron alors que l’on croit être encore dans le régime de libre entreprise qu’il a anesthésié !
Le printemps continue de voir refleurir l’assistanat de gens de plus en plus amateurs qui se plaisent plus à retrousser leurs manches et à ‘mouiller leurs chemises’ dans des salles de gym (payantes) qu’à ‘bosser’ !
Ils consultent en masse la météo et vérifient si ça vaut le coup de partir de leur pénibilité professionnelle désormais elle aussi normée on ne sait trop comment, pour un weekend prolongé de rêve qui les ramènera encore plus convaincus que le taux d’augmentation du coût de la vie a plus qu’explosé depuis le temps ou régnait le plein emploi !
Ainsi va la scierie et notre monde en ce mois d’Avril 2014 que certains (Voir LES ECHOS de Mars – N° spécial …) comparent à 1914….Très instructif ! Qui en a fait son livre de chevet ? Je l’ai refilé à l’un de mes petit fils …1914 ?
C’est loin 1914 ! Je soupçonne qu'il ne l'a pas lu trop occupé par son dictionnaire ambulant nouvelle bible de 2014!
PRECISIONS
Septembre 1967
Le département de la Loire comptait plus de 120 scieries.
Fin Mars 2014 il en resterait 32 dont un grand nombre ‘en l’état quasi intégral de 1967’ avec un dirigeant seul ou proche de la retraite et sans successeur ‘envisageable’ …
Les 32 scieries encore en activité consomment à l’année entre 180 000 et 200 000 m3 de GRUMES (et non de sciages) .
L’une d’elles devrait mettre en service une unité de production industrielle en 2015qui devrait décupler sa capacité actuelle…
Trois ou quatre unités ‘moyennes’ de sciage suffiraient désormais pour assurer un volume global qui risque de ne pas pouvoir augmenter de plus de 20% sauf vive concurrence avec d’autres sites de même type déjà en services dans un rayon de 150 km…
Premier Avril 2014
Jour anniversaire de la création d’une entreprise créée avec passion à l’âge de 54 ans et qui n’a su créer que 12 emplois dont celui de son fondateur …en démembrant au national comme à l’international 646 entreprises de scieries puis en se développant, par nécessité, dans la vente des matériels pour la production et consommation de BOIS ENERGIE.
L’entreprise est désormais dirigée par son fils Olivier : voir www.gfservices.fr
grindesel.forumactif.fr
Le forum du BOIS ENERGIE